Numerama - Les flatcoins, ça sert à quoi ?
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Il existe un projet de stablecoin pensé pour contrer l’inflation. Sur-collatéralisé et fonctionnant grâce à un algorithme, le projet est censé être un vrai atout contre l’augmentation des prix, mais il pourrait bien connaître un sort semblable à celui de Terra.
On le sait : l’inflation est là, et elle est bien partie pour rester. La hausse des prix touche tous les secteurs de la vie quotidienne. Elle a aussi un impact sur les crypto-monnaies, notamment à cause de la hausse des taux de la Banque centrale européenne. Récemment, des experts ont même expliqué que le bitcoin n’était plus perçu comme un bouclier très efficace contre l’inflation.
C’est dans ce contexte particulièrement difficile que Nuon, un projet de stablecoin visant à lutter contre l’inflation, vient d’être lancé. Laguna Lab, l’entreprise derrière le token (jeton, en français), en a fait la promotion à grand bruit depuis le lancement officiel de la phase de test, le 24 octobre 2022. Toutefois, Nuon ne sera officiellement lancé qu’au premier trimestre 2023. De nombreuses questions émergent déjà. Un tel token peut-il vraiment être un atout face à l’inflation, ou risque-t-il de répéter le naufrage de la stablecoin Terra ?
Les flatcoins, qu’est-ce que c’est ?
Avant de parler de flatcoin, il est nécessaire de rappeler ce que sont les stablecoins. Ces dernières sont des crypto-monnaies particulières : ce sont des tokens dont la valeur est « stable », à l’inverse d’autres actifs crypto dont la valeur est volatile, comme le bitcoin. Cette stabilité est atteinte par un mécanisme d’indexation, que ce soit sur des monnaies fiduciaires comme le dollar ou l’euro, ou encore sur des métaux précieux, comme l’or. Ces tokens arrivent à garder leur indexation grâce à plusieurs systèmes : certains, comme Tether (la stablecoin la plus populaire), fonctionnent grâce à un système de collatéralisation. Grossièrement, pour chaque Tether créé, un dollar est placé dans les réserves — même si l’entreprise a été accusée d’avoir menti sur l’état de ses réserves en fin d’année 2021.
D’autres stablecoins utilisent un système d’indexation par algorithme : c’est ce que l’on appelle des stablecoins algorithmiques. La stabilité de la valeur de ces tokens est garantie par un algorithme et par des smart contracts, et non pas par la mise en réserve de monnaie. L’algorithme gère le nombre de tokens en circulation avec un mécanisme de « mint & burn » (création et destruction) qui permet d’assurer leur valeur. Terra était la stablecoin algorithmique la plus populaire, jusqu’à ce qu’elle connaisse un impressionnant krach, qui a entrainé la perte de plusieurs milliards de dollars.
Un flatcoin est un « nouveau concept » qui repose sur un mécanisme très similaire à celui des stablecoins algorithmiques. Nuon décrit les flatcoins comme des « stablecoins décentralisées et protégées contre la perte de valeur à cause de l’inflation ». Un flatcoin « protège de l’inflation en maintenant une indexation sur le prix de certains biens de consommation. Lorsque le prix de ces biens augmente à cause de l’inflation, le prix du Nuon augmente aussi. »
Nuon n’est pas réellement le seul flatcoin, même si c’est sur celui-ci que nous nous concentrons ici. Un autre exemple comparable est le RAI, un projet de Reflexer Financer, qui consiste en un « actif crypto décentralisé, non indexé, et stable ».
Comment marche Nuon ?
Nuon est « la première stablecoin décentralisée et sur-collatéralisée indexée sur la valeur de l’inflation, ce qui permet de préserver le pouvoir d’achat », précise le site du projet. Le but est d’arriver à conserver un prix stable pour un produit pendant des années : même si le prix en dollars augmente, un café coutera toujours 1 Nuon.
Concrètement, Nuon est indexée sur la valeur de l’inflation grâce à Truflation, un fil de données agrégées en temps réel et qui permet de suivre l’évolution des prix de nombreux produits. Nuon utilise ces données pour calculer quotidiennement la valeur cible du flatcoin (à l’aide du taux d’inflation quotidien fourni par Truflation). « Cette valeur cible est la représentation du pouvoir d’achat des détenteurs de flatcoins, corrigée de l’inflation, qui est soutenue par des données vérifiables par cryptographie », indique le whitepaper de Nuon.
Autre aspect très important de la crypto-monnaie sur lequel il faut revenir : sa sur-collatéralisation. Comme on l’a vu avec Tether, les stablecoins ont des fonds collatéraux pour garantir leur valeur. Pour celles indexées sur une monnaie fiduciaire, il faut mettre en réserve 1 dollar pour qu’une nouvelle unité de crypto-monnaie soit créée. Pour Nuon, c’est différent : le projet « détient plus de collatéraux crypto que la valeur totale de toutes les flatcoins créées ». Les collatéraux à fournir pour les Nuon sont calculés par un algorithme, qui prend en compte la volatilité des marchés. Il n’est donc pas clair combien il faut payer pour créer un Nuon : la somme peut varier.
Cette sur-collatéralisation permet d’avoir plus de garanties sur les fonds disponibles, mais surtout de protéger le protocole de Nuon. L’algorithme de la crypto-monnaie utilise les collatéraux pour ajuster au besoin sa valeur et garantir son indexation, en faisant en sorte que les propriétaires de tokens les vendent ou les détruisent.
Est-ce que ça peut marcher ?
Pour l’instant, Nuon explique veiller à ne pas répéter les erreurs du passé. Les créateurs du projet l’assurent : un scénario de « spirale de la mort », tel que l’a connu Terra, est impossible grâce à cette sur-collatéralisation. « Le protocole de Nuon ne le permet pas, grâce à la sur-collatéralisation. » De même, les larges réserves devraient permettre de surmonter la baisse de valeur de certains actifs en cas de bear market.
Mais, malgré ces assurances, un projet tel que Nuon peut-il vraiment marcher ? Rien ne le garantit à 100 %, comme pour toutes les autres cryptos. Une sur-collatéralisation aidera peut-être en cas de krach boursier, mais ne représente pas une assurance fiable à 100 %. Si les prix chutent de manière trop importante, la sur-collatéralisation ne suffira pas pour éponger les pertes en cas de bear market.
De plus, il existe encore peu de ressources sur les flatcoins, et encore moins sur Nuon : les projets sont encore extrêmement récents, et il n’y a pas encore vraiment eu de retour d’utilisation durable, même pour le RAI. Difficile donc pour l’instant de se projeter dans l’avenir et de conclure qu’il s’agit de stablecoins absolument sans risque, qui pourraient réellement protéger de l’inflation.
L’un des rares exemples existants n’offre pas une vision optimiste pour Nuon. Comme le rapporte Cointelegraph, le projet IHC, pour Inflation Hedging Coin (littéralement « couverture contre l’inflation ») a été lancé en octobre 2021. Le token devait garder sa valeur et la faire augmenter avec le temps, grâce à plusieurs protocoles de coin burn calculé en fonction de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation — un modèle assez similaire à ce que propose Nuon aujourd’hui.
Cependant, depuis son lancement l’année dernière, l’IHC n’a jamais réussi à faire augmenter sa valeur. Vendu au début au prix de 0,002 dollar, un token IHC a aujourd’hui perdu 96,4 % de sa valeur : il vaut désormais 0,000097 dollar, selon les données de Coinmarketcap. Personne ne peut encore dire si un sort pareil attend Nuon.
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